- GUIDES DE VOYAGE (Renaissance)
- GUIDES DE VOYAGE (Renaissance)GUIDES DE VOYAGE, RenaissanceSi les récits des voyageurs ont toujours invité au voyage, les guides proprement dits sont nés et se sont multipliés à la fin du XVe siècle avec l’invention de l’imprimerie. Cette étude sera centrée sur les guides de Rome, qui en sont les meilleurs exemples: pour leur visite de la ville sainte, les pèlerins ont en effet disposé très tôt d’itinéraires leur signalant non seulement les églises, mais aussi les édifices païens les plus remarquables. Ainsi, l’itinéraire dit d’Einsiedeln (VIIIe siècle) peut être considéré comme l’ancêtre des Graphia (XIIe et XIIIe siècles), puis des Mirabilia Urbis Romae . O. Pollak et L. Schudt recensent plus de soixante-dix éditions des Mirabilia entre 1475 et 1600, latines tout d’abord, puis italiennes, françaises ou allemandes (Le Guide di Roma, Materialen zu einer Geschichte der romischen Topographie , 1930). La bibliothèque Hertziana à Rome possède des exemplaires de la plupart d’entre eux. Comme l’indique leur titre (par exemple: Les merveilles de Rome, corps saincts et lieux dignes que visitent les pèlerins et pèlerines qui y vont, avecques les indulgences et remissions quilz acquièrent , Paris, Geoffroy de Marnef, 1499), les Mirabilia désignent tout d’abord les sept stations obligatoires du pèlerin et le nombre d’années d’indulgences obtenues à chacune d’entre elles: Saint-Jean-de-Latran, Saint-Pierre du Vatican, Saint-Paul-hors-les-Murs, Sainte-Marie-Majeure, Saint-Laurent-hors-les-Murs, Saint-Sébastien-hors-les-Murs, Sainte-Croix-de-Jérusalem. Puis, dans un curieux mélange d’histoire religieuse et antique, ces guides de pèlerins présentent brièvement les principaux monuments de l’Antiquité romaine, dont chacun donnait lieu à des contes fabuleux: ainsi, sur le Capitole, où la mémoire collective plaçait justement le cœur de la ville antique, la légende instituait un palais tout de verre et d’or, d’où les consuls et les sénateurs gouvernaient le monde.Le mouvement d’intérêt pour l’Antiquité s’accentuant, des guides plus spécialement consacrés à la visite de la Rome ancienne se multiplièrent: ceux d’Albertini, de Panvinius, de Biondo, ou de Pomponius Laetus, entre autres, furent constamment réédités au XVIe siècle. Parmi les éditions les plus célèbres figure celle de Marliani (Topographia antiquae Romae , Joanne Bartholomeo Marliano mediolanense autore, Lugduni, apud Sebastianum Gryphium, 1534), qui fut préfacée par Rabelais et éditée simultanément à Lyon et à Rome. Tous les guides comportent trente à cinquante courts chapitres, toujours semblables, décrivant les portes, les sept collines, les ponts et les aqueducs, les thermes, cirques et théâtres, les forums, les arcs de triomphe et les portiques, les trophées, colonnes et obélisques, le Colisée, les temples et les palais... L’Antichità di Roma di M. Andrea Palladio, raccolte brevemente da gli auttori antichi e moderni est sans nul doute le guide qui cherche à donner la connaissance la plus exacte des monuments anciens. Son édition romaine de 1571 y adjoint les sept stations, un aperçu de l’édification de Rome et de l’histoire de la papauté, la liste des églises principales et des papes, celle des rois et empereurs de Rome ainsi qu’un circuit de trois jours de visites intensives de la ville: la visite commençait à l’ouest, au pont Saint-Ange, par le Borgo, la sépulture d’Hadrien (le château Saint-Ange) et Saint-Pierre du Vatican. Le voyageur descendait la rive droite du Tibre par le Trastevere, montait à Saint-Pierre in Montorio sur le Janicule, puis passait par l’île Tibérine sur la rive gauche. Il rejoignait au sud Saint-Paul-hors-les-Murs, puis revenait vers le nord par le Testaccio et la pyramide de Cestius, jusqu’aux thermes de Caracalla. Il terminait à l’est à Saint-Jean-de-Latran et Sainte-Croix-de-Jérusalem. Le lendemain, le voyageur partait de Sainte-Marie-du-Peuple et remontait vers le nord sur la rive gauche du Tibre jusqu’à la vigne du pape Jules III. Contournant la ville par le nord-est, il passait par le Quirinal et arrivait devant la statue fameuse des Dioscures et dans les thermes de Dioclétien. Par la nouvelle Strada Pia, il longeait les vignes du cardinal de Ferrare, jusqu’à Sainte-Agnès. Revenant sur ses pas, il se rendait à Sainte-Marie-Majeure, puis au Colisée. La journée continuait par la visite des temples, du Forum de César, de la place du Capitole, et le panorama offert du haut du Palatin. Le voyageur terminait son circuit au centre de la ville avec, entre autres, les théâtres de Marcellus et de Pompée, et le portique d’Octavie. Le troisième jour se passait dans la boucle centrale du Tibre: Champ de Mars, colonnes d’Antonin et de Trajan, Panthéon, thermes d’Agrippa et de Néron, place Madame et place Navone. Ainsi, minutieusement guidés, les voyageurs acquéraient sans doute une bonne connaissance de la Rome antique, dont l’écho stéréotypé se retrouve dans leurs écrits, complétés par les dessins et les estampes de ruines romaines qu’ils exécutaient ou achetaient. Les guides de voyage ne comportant pas encore d’illustrations, la reproduction des monuments antiques et des plans de Rome devint une véritable industrie au XVIe siècle. Le succès du Speculum Romanae Magnificentiae , gravé par E. Duperac et édité par Lafrery en 1579 à Rome en témoigne.Il est toutefois manifeste que le voyageur de la Renaissance fut en général peu curieux des merveilles de l’architecture et de l’urbanisme romains de son époque, sur lesquelles les guides étaient muets. Stendhal s’en étonne de Montaigne qui séjourna à Rome en 1580. Ce dernier n’est que le plus illustre de tous les voyageurs qui ne virent rien de ce que les guides ne signalaient pas à leur intention. En est-il autrement aujourd’hui?
Encyclopédie Universelle. 2012.